Le capitalisme contemporain est une grande centrifugeuse. Voilà ce qu’on pourrait retenir du nouvel essai de la sociologue américaine, professeur à Columbia, Saskia Sassen : d’abord le mouvement, ensuite la puissance, les deux aboutissant, avec une implacable brutalité, à des mécanismes d’expulsion. Cette dynamique de mise à l’écart, nous en sommes les témoins quotidiens : toujours plus de gens chassés de leur emploi, privés de leur logement ou de leurs droits aux services sociaux.
Que le capitalisme financier survive, et même s’épanouisse, dans ce contexte d’une gigantesque mise au rebut d’une partie de l’humanité, n’est pas en soi une idée nouvelle. Mais Expulsions se propose de dévoiler des logiques souterraines, de soulever les dynamiques, bref de mettre au jour un fonctionnement systématique.
Pour ce chantier, la cheville ouvrière est le concept d’« expulsion », qui permet à l’auteure de relier la situation des chômeurs radiés en Europe à celle des paysans expropriés par les achats de terre en Afrique, qui lui inspire des passerelles entre la prolétarisation des hommes et l’exploitation des ressources naturelles. Car à ce « stade avancé » du capitalisme, véritable rupture par rapport à la « période keynésienne » ou à celle de « l’Etat communiste », qui privilégiaient toutes deux l’insertion, une seule et même logique, complexe dans ses mécanismes internes mais tragiquement simple dans la brutalité qu’elle engendre, est à l’œuvre. Julie Clarini
Expulsions. Brutalité et complexité dans l’économie globale (Expulsions. Brutality and Complexity in the Global Economy), de Saskia Sassen, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Guglielmina, Gallimard, « NRF Essais », 384 p., 25 €.
Source : Le Monde des Livres
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