Si les élites sont débordées par le numérique, le Grand Soir ne paraît pas être encore d’actualité pour Le Monde, même si certains entrevoient un frémissement à l’égal de l’âge des Lumières, précédent la Révolution française. Un article qui part d’exemples français ou étrangers pour ne finir que par s’intéresser au cas français. Occasion ratée ? Pour sa part, dans un autre article du Monde, le médiéviste Patrick Boucheron constate que « l’écart entre gouvernants et gouvernés atteint un maximum »
Le constat :
En quinze ans, les classes dirigeantes ont compris qu’Internet a révolutionné la communication : la multiplication des tuyaux permet une diffusion rapide et mondiale de contenus plus ou moins fiables, d’idées mesurées ou radicales. Moyen d’expression et de manipulation, le Web entraîne de nouveaux risques d’atteinte à l’image. D’où, quel que soit l’endroit de la planète, l’apparition de « tweetomanies » (usage compulsif de Twitter) et autres « facebookeries » (création à la chaîne de pages Facebook à visées publicitaires) de certains leaders, partis politiques, entreprises voulant paraître de leur temps.
Une explication :
Massivement, et mondialement, l’outil Internet engendre de nouvelles pratiques économiques et sociétales. […]« On pourrait dire que ces usagers court-circuitent les intermédiaires, mais ce terme signifierait qu’ils y mettent une volonté politique. Or ces pratiques ne sont pas clivantes au sens droite-gauche. Issus de tous bords, les citoyens s’emparent d’Internet pour agir différemment et réinventent la société à leur échelle. Sans même le chercher, ils questionnent l’organisation pyramidale gouvernée par les “sachants” », explique Antonin Léonard, cofondateur de la communauté OuiShare.
La référence à l’histoire par Adrienne Alix, historienne, spécialiste du XVIIIe siècle, avant de travailler à Wikimédia :
« Le climat me fait penser à la période précédant la Révolution française, quand se sont développés des livres clandestins, une façon de court-circuiter le monde de l’édition aux mains des élites. Elles considéraient ces écrits comme de la pornographie. Mais de ces auteurs sont sortis certains tribuns de la Révolution. »
Pour sa part, dans un autre article du Monde, le médiéviste Patrick Boucheron constate que « l’écart entre gouvernants et gouvernés atteint un maximum ». Pour ce dernier,
[Les] liens numériques massifs entre citoyens internautes donnent l’impression que la volonté collective de faire société est davantage assumée par les gens ordinaires que par les élites, qui sont proprement débordées. Celles-ci ne croient plus en leur capacité de vivre ensemble, ce qui sans doute n’était pas le cas au Moyen Age ou à la Renaissance.
Les élites sont sur la pente ascendante dangereuse de la toute-puissance. L’écart gouvernants-gouvernés atteint peut-être l’un de ses maxima historiques, et le taux de renouvellement des élites son minimum. Le mot qui rend le plus objectivement compte de la situation est bien celui d’« oligarchie » : le gouvernement d’un petit nombre dont les autres doutent qu’ils soient les meilleurs (par opposition à l’aristocratie). […]
On peut imaginer que l’essor mondial d’une société numérique va servir de contre-pouvoir. C’est en tout cas une réalité sur laquelle les élites risquent fort de se casser le nez.
En attendant, tous mes meilleurs vœux pour 2014.
Les articles : Les élites débordées par le numérique. et « l’écart entre gouvernants et gouvernés atteint un maximum »
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