En juillet 2011, des incidents graves ont eu lieu au Festival Jazz de Montreux s’ajoutaient à d’autres événements violents commis à Montreux par divers groupes, comprenant des jeunes. Dans la perspective d’engager une démarche d’analyse, de mise à plat des problèmes et de recherche de solutions pratiques avec les acteurs concernés, la Municipalité de Montreux organisait ce samedi 28 janvier 2012 des Etats généraux de la cohésion sociale.
Jacqueline Pellet, municipale, ouvre les Etats Généraux
Il appartenait à Simon Smith, délégué à la jeunesse de Montreux, de mettre en contexte la problématique des jeunes en rupture. Il l’a fait en replaçant la thématique dans une perspective historique.
Simon Smith, Délégué à la jeunesse de Montreux
Cette introduction était suivie par deux tables-rondes animée par Florence Millioud Henriques, entrecoupées de clips vidéos réalisés par des jeunes et deux interventions de Walo Hutmacher dans le rôle du grand témoin. Les tables-rondes regroupaient des acteurs locaux (Simon Smith, Ruben Melikian, Sécurité Riviera, et Jean-Luc Reymond, juge d’instruction) et d’acteurs romands reconnu (Olivier Guéniat, commandant de la police cantonale jurassienne, Michel Lachat, juge des mineurs et Serge Bregnard, éducateur spécialisé).
Serge Bregnard, Michel Lachat et Olivier Guéniat avec Florence Millioud Henriques lors de la Première table-ronde
Lors de la première table-ronde, les participants se sont retrouvés sur la nécessité, d’une part, d’effectuer une radiographie de la situation, puis de développer des approches multi-, pluri-, interdisciplinaires orientées vers la résolution de problème et regroupant des acteurs socio-éducatifs, sécuritaires, judiciaires. Malheureusement, c’est lorsque le sang coule et que des faits divers sont amplifiés par la presse que les politiques s’en inquiètent (M. Lachat).
D’autre part, ces approches sont chères et les politiques font souvent marche arrière ou réduisent la voilure lorsque les mesures sont chiffrées (O. Guéniat). Par ailleurs, il faut distinguer les phénomènes «naturels» de jeunes en crise des cas pathologiques et des multi-récidivistes (S. Bregnard, M. Lachat).
En outre, si l’approche interdisciplinaire est plébiscitée, les intervenants relèvent aussi que la multiplicité des associations et groupes actifs dans le domaine de la jeunesse aboutit à une fragmentation regrettable et qu’il conviendrait de regrouper les forces de ceux qui travaillent dans l’encadrement des jeunes.
Cependant, la part des jeunes délinquants reste faible et stable en regardant les statistiques. (M. Lachat) Il est néanmoins peu «attrayant» pour les politiques d’investir sur ceux qui nous pourrissent la vie… (O. Guéniat).
Pour sa part, Serge Bregnard s’inquiète de la part des jeunes sans avenir socio-professionnel et du recul de l’âge moyen en formation professionnelle (18 ans). Il existe ainsi un «trou» entre la fin de l’école obligatoire et le début de la formation professionnelle pour un nombre de plus en plus importants de jeunes. De plus, beaucoup de jeunes cumulent échec scolaire et non intégration professionnelle. Il faut donc massivement, selon lui, investir dans le scolaire et le socio-professionnel pour leur créer un avenir et combattre le désoeuvrement. A ce titre, Walo Hutmacher soulignera que «nous avons hérité d’une école du 19ème siècle qui donne des diplômes de mérite et de démérite.»
Walo Hutmacher le Grand Témoin
Tous relèvent également qu’il faut occuper l’espace public (le terrain) et qu’à ce tire les caméras de surveillance ne dialoguent pas et qu’elles ne peuvent être que complémentaires et s’inscrire dans des actions. Les caméras posées à demeure et non de manière temporaire développent à terme des effets secondaires nocifs tels le déplacement des actes délictueux ailleurs ou le phénomène des jeunes cagoulés. A contrario, la police de proximité et la présence humaine sont plus efficaces.
Enfin, 95% des programmes de prévention ne donnent pas de résultats tangibles. Il est donc important de recenser les programmes qui fonctionnent (travail en cours par un professeur de l’université de Zurich).
Les participants à la deuxième table-ronde
Plus centrée sur la situation sur la Riviera, la deuxième table-ronde a mis en évidence que la situation des jeunes de la Riviera ne diffère pas de la situation générale des jeunes en Suisse. Globalement la jeunesse de la Riviera va bien. Il existe une poignée d’une quinzaine de jeunes en rupture qui posent problème (R. Melikian). En outre, il n’y a pas d’explosion de jeunes violents, mais il y a par contre un vide dès que la personne arrive à 18 ans et pour laquelle les programmes et mesures jeunesses cessent. (J.-L. Reymond). Simon Smith insiste sur le fait qu’«on ne se fait pas tatouer sur le front « jeunes en rupture » à vie» et que la jeunesse de la Riviera «a déjà fusionné».
Par ailleurs, il faut éviter la confusion des rôles où le policier se transformerait en éducateur de rue et l’éducateur de rue en policier. De plus, l’éducateur en rue travaille sur les problèmes que les jeunes ont et ne travaille pas sur les problèmes que ceux-ci posent aux autres. (S. Smith).
Enfin, Alain Rossier, chef judiciaire de la région Est, revient sur les événements au Festival Jazz de Montreux pour relever que sur les 60 protagonistes recensés, 20 étaient des jeunes et 40 des adultes de la Riviera et du Chablais.
Au final, une matinée de grande qualité tant dans les intervenants que dans les interventions et dans l’écoute de la salle.
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