Lors des votations/élections du mois de mars prochain, la question du prix unique du livre sera un des objets fédéraux sur lequel les citoyen-ne-s suisses auront à se prononcer. Une des questions sur laquelle les partisans et les opposants s’affrontent est celle de savoir quel sera l’impact du prix unique du livre sur son prix. A ce titre, l’expérience française est intéressante.
Sur le site de la Vie des idées, Vincent Chabault s’intéresse lui à la santé et à l’avenir des librairies indépendantes françaises et des défis que celles-ci auront à relever. L’objet de son article n’est donc pas directement le prix unique du livre. Pour Chabault, une grande partie des difficultés économiques rencontrées actuellement par la librairie indépendante semble être liée à l’introduction des nouvelles technologies dans les rapports marchands.
Préalablement, il dresse l’effet du prix unique du livre en France et c’est ce passage qui nous intéresse plus particulièrement dans la perspective des votations fédérales de mars 2012.
En 1981, alors que la FNAC vend le livre avec une remise de 20 % depuis sept ans, quelques éditeurs, représentés par le directeur des Éditions de Minuit, Jérôme Lindon, parviennent à faire instaurer le prix unique du livre, fixé par l’éditeur, chez tous les détaillants. Mesure phare du projet de François Mitterrand, la « loi Lang » est votée le 10 août 1981. Refusant de considérer le livre comme un produit marchand banalisé, la loi garantit l’égalité du citoyen devant le livre (qui sera vendu au même prix sur tout le territoire, à 5 % près), le maintien d’un réseau de distribution, grâce notamment à une marge substantielle, et assure le soutien à la création et à l’édition d’ouvrages dits « difficiles ». Près de trente ans après, différents observateurs jugent le bilan de la loi positif. Selon les économistes Mathieu Perona et Jérôme Pouyet, le prix unique du livre a eu quatre conséquences. Il a fourni aux libraires les ressources assurant le maintien d’un fonds important, il a assuré la survie de librairies de petites dimensions, il ne semble pas avoir entraîné de hausse très importante du niveau général des prix. Enfin, au vu de l’évolution du nombre de nouveautés dans les pays sans prix unique, et en adoptant un point de vue strictement quantitatif, les inquiétudes quant à un appauvrissement de l’offre éditoriale ne semblent pas fondées.
Ainsi donc si, sur la durée une légère hausse du niveau général des prix a pu être constatée et ne dépend pas forcément que de la seule mesure du prix unique du livre, les avantages de la mesure sont pour Vincent Chabault indéniables et le bilan est jugé positif notamment pour le maintien de petites librairies.
Par contre, ce n’est pas le seul défi que les librairies ont à relever dès aujourd’hui. Vincent Chabault en identifie quatre principaux pour la France :
- la hausse du coût des loyers commerciaux;
- les relations avec les distributeurs en charge des flux physiques et financiers;
- la vente en ligne (10 % du marché);
- les mutations des pratiques culturelles.
Si la population suisse en accepte le principe, le prix unique du livre – outre la question de la diversité culturelle et l’accès au livre – offrira une bouffée d’air salvatrice et indispensable aux librairies que nous connaissons.
Source : Libraires épuisés – La Vie des idées.
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